La-Femme (Maternité et littérature) – c’est ainsi que Malika Madi a décidé d’introduire son dernier livre Maternité et littérature. Un ordre qui prévaut sur l’autre. «Je n’ai pas pensé : je suis écrivain et mère de trois enfants», poursuit-elle. Le sous-titre rétablit une sorte d’équilibre dans l’absolu : Création et procréation. Un équilibre que l’auteure va chercher à définir en alignant arguments et réfutations de contre-arguments.
Dans cette perspective, elle relate sa propre expérience de femme, mère et écrivain, embrassant conjointement les trois domaines qu’elle explore en détail auxquels elle ajoute son vécu de fille d’une immigrée algérienne qui lui a transmis les valeurs de ses origines kabyles, ses traditions mais aussi son mal-être et ses problèmes. Elle a écrit ce livre pour comprendre qui elle est et distinguer si possible les proportions de l’un et l’autre de ses états.
Elle va au-delà et consulte celles qui dans son entourage partagent la même problématique car c’en est une pour chacune d’entre elles et toutes n’ont pas trouvé de solution satisfaisante, vivant au jour le jour un dilemme quand ce n’est pas un déchirement. Elle-même décrit fort précisément cet état.
Face à la page blanche, je suis cette petite dévergondée dont l’esprit musarde sans entraves dans ce lieu qui nourrit l’imagination de l’enfant rebelle. Lorsque je m’agite devant ma cuisinière, je suis cette mère pratique, terre à terre, dont le seul souci est de voir un sourire de satisfaction sur le visage de ses enfants assis autour de la table. Devant la page blanche, ma première préoccupation est de trouver les mots idoines pour affirmer comment notre singularité se rejoint dans le tourbillon universel. Comment nous ne sommes qu’Une parmi les milliards d’Africaines, d’Européennes, d’Asiatiques ou d’Américaines, du nord et du sud, Une, dans ce corps qui porte, qui enfante, qui souffre, qui jouit, qui vit.
Elle pourrait ajouter Une qui nourrit, panse, veille, car elle y fait de fréquentes allusions. Parfois la culpabilité, écrire au lieu de préparer un gâteau, d’aller au parc pour assurer les jeux ! Mais aussi :
… après l’avoir écrit, qu’y a-t-il de plus excitant que d’aller à leur rencontre pour entendre leurs impressions sur mes affirmations et mes contradictions. Je suis là présente sur tous les fronts, capable de gérer l’alternance, physiquement et mentalement.
Il s’agit bien d’un combat, ce livre témoigne d’un engagement total.
Pour Madi, la question reste présente, posée pour elle-même comme pour les écrivaines qui se sont penchées sur les traverses de leur vie et en ont fait part. Ainsi en va-t-il de Nancy Huston qui en a traité au moins dans deux ouvrages et dont notre auteure s’inspire abondamment à juste titre. Elle en tire pas mal d’exemples à l’appui de son débat et au profit de sa démonstration. Élisabeth Badinter fournit pour sa part toute une veine historique et de nombreuses réflexions sur la réalité de l’amour maternel et la part instinctive qu’on lui attribue ou non.
Pour les rôles de femme-mère-artiste, ces rôles complexes et concomitants pour Madi, le conflit est permanent. Elle s’y attelle et réfute avec une belle vigueur l’argumentation que Simone de Beauvoir utilise avec virulence dans Le deuxième sexe. Elle la range du côté des matrophobes, juge sa démonstration un ratage et admet moins sa vision du couple que ses déclarations sur la création.
Réservant un rôle prioritaire aux muses qui conjuguent la féminité et l’inspiration, Malika Madi ose une autre façon d’adhérer au féminisme et signe un ouvrage militant qui, malgré des erreurs et approximations historiques, quelques coquilles, a le mérite d’exister avec force.