La-Femme (La cigarette électronique et l’insuffisance cardiaque !) – Depuis son apparition à la fin des années 2000, la cigarette électronique séduit toujours plus de fumeurs en quête d’une alternative au tabac. Un nombre croissant de recherches suscite aujourd’hui une inquiétude quant aux effets négatifs du vapotage sur la santé. Une nouvelle étude révèle un lien entre la cigarette électronique et l’insuffisance cardiaque.
Depuis son apparition à la fin des années 2000, la cigarette électronique séduit toujours plus de fumeurs en quête d’une alternative au tabac. Présentée comme plus sûre que la cigarette standard, plus économique aussi, elle a été adoptée par bon nombre de consommateurs. Elle est même proposée comme aide au sevrage. Pourtant, un nombre croissant de recherches suscite aujourd’hui
On parle d’insuffisance cardiaque lorsque le cœur n’arrive plus à remplir sa fonction de pompe. Par conséquent, les différents organes du corps ne reçoivent plus assez d’oxygène et de nutriments. On estime que 2,3 % de la population française est atteinte d’insuffisance cardiaque. Cette maladie est à l’origine de plus de 70 200 décès chaque année. Le tabagisme est, avec l’obésité et l’hypertension artérielle, l’un des principaux facteurs de risque. Quid des e-cigarettes ?
Ces dispositifs chauffent un liquide spécialement conçu pour cet usage, afin de produire des aérosols destinés à être inhalés. Les e-liquides sont exempts de tabac, mais peuvent contenir de la nicotine à diverses concentrations. Une e-cigarette permet ainsi de simuler l’acte de fumer, en choisissant son taux de nicotine. C’est pourquoi le vapotage apparaît comme une méthode de sevrage tabagique efficace. Les cigarettes électroniques sont-elles pour autant exemptes de danger ?
Des vapoteurs 19 % plus susceptibles de développer une insuffisance cardiaque
« De plus en plus d’études établissent un lien entre les e-cigarettes et des effets nocifs et constatent qu’elles ne sont peut-être pas aussi sûres qu’on le pensait », avertit le Dr Yakubu Bene-Alhasan, médecin résident au MedStar Health de Baltimore. Ses collaborateurs et lui viennent de publier les résultats d’une nouvelle étude de grande envergure, visant à examiner les liens possibles entre le vapotage et l’insuffisance cardiaque.
Leurs recherches reposent sur des données provenant d’enquêtes et de dossiers médicaux issus du programme « All of Us » – une vaste enquête nationale sur les adultes américains menée par les National Institutes of Health depuis 2015. La présente étude incluait au total 175 667 participants, âgés de 52 ans en moyenne. Parmi eux, quelque 28 660 personnes ont déclaré avoir déjà utilisé des e-cigarettes. Dans cet échantillon, 3242 ont souffert d’insuffisance cardiaque au cours d’une période de suivi médiane de 45 mois.
Les résultats ont montré que les personnes ayant utilisé des e-cigarettes à un moment ou à un autre étaient 19 % plus susceptibles de développer une insuffisance cardiaque que celles n’ayant jamais vapoté. « La différence que nous avons observée était substantielle. Cela vaut la peine de considérer les conséquences pour votre santé, en particulier en ce qui concerne la santé cardiaque », a déclaré le Dr Bene-Alhasan.
Les chercheurs précisent qu’ils ont tenu compte de divers facteurs démographiques et socio-économiques, ainsi que d’autres facteurs de risque de maladie cardiaque (diabète, cholestérol, hypertension). Ils ont également considéré la consommation passée et actuelle d’autres substances nocives, comme l’alcool et les produits du tabac. L’âge, le sexe ou le statut tabagiquen’avaient pas d’influence sur la relation entre le vapotage et l’insuffisance cardiaque.
Un impact significatif sur un type d’insuffisance cardiaque
On distingue différents types d’insuffisance cardiaque selon la « fraction d’éjection » (le sang éjecté du cœur à chaque battement). Celle-ci renseigne sur l’efficacité de pompage du cœur. Une fraction d’éjection normale est généralement d’environ 70 %.
Dans l’insuffisance cardiaque « à fraction d’éjection réduite » (ICFER), le cœur se contracte moins vigoureusement. Il éjecte alors beaucoup moins de sang qu’il n’en reçoit. Résultat : une quantité plus importante de sang reste dans le cœur ; il s’accumule alors dans les poumons et/ou les veines. Dans l’insuffisance cardiaque dite « à fraction d’éjection préservée » (ICFEP), le cœur devient rigide. Il ne se dilate pas normalement après sa contraction, ce qui nuit à sa capacité à se remplir de sang entre les contractions.
L’ICFEP est le type le plus fréquent. Cependant, les taux ICFER ont augmenté au cours des dernières décennies, ce qui a conduit à se concentrer davantage sur la recherche des facteurs de risque pour ce type d’insuffisance cardiaque.
Les résultats de l’étude montre que le risque accru associé à l’utilisation de l’e-cigarette était statistiquement significatif pour l’ICFEP. En revanche, cette association n’était pas significative pour l’ICFER.
Ces conclusions sont cohérentes avec les résultats d’études antérieures ayant suggéré des liens entre le vapotage et certains facteurs de risque de l’insuffisance cardiaque. Ces études n’étaient toutefois pas concluantes du fait qu’elles reposaient sur un petit nombre de participants, ainsi qu’un nombre plus faible d’événements liés à cette pathologie. L’étude menée par le Dr Bene-Alhasan ne laisse guère de place au doute.
Des recherches à mener d’urgence pour protéger les plus jeunes
Les chercheurs ont déclaré que le modèle d’observation prospective de l’étude permettait de déduire, mais pas de déterminer de manière concluante une relation de cause à effet entre l’utilisation de l’e-cigarette et l’insuffisance cardiaque. Néanmoins, de par la taille de l’échantillon considéré et les données disponibles, il s’agit de l’une des études les plus complètes à ce jour pour évaluer cette relation.
L’équipe souligne la nécessité de mener rapidement des recherches supplémentaires sur les effets potentiels des e-cigarettes sur la santé cardiaque. « Nous ne voulons pas attendre trop longtemps pour découvrir qu’elles peuvent être nocives ; d’ici là, beaucoup de mal aura peut-être déjà été fait », a déclaré le Dr Bene-Alhasan.
Ces recherches sont d’autant plus urgentes que les e-cigarettes sont majoritairement utilisées par les jeunes. Et pour cause : leur design et les milliers d’arômes proposés ciblent directement cette population de consommateurs. « Pour beaucoup de jeunes, il se peut que la seule raison pour laquelle ils vapotent ou utilisent des e-cigarettes est qu’ils en aiment les arômes », avertit le cardiologue Michael Blaha, du Johns Hopkins Hospital.
En 2018, l’administrateur de la santé publique des États-Unis a qualifié d’épidémie l’utilisation de l’e-cigarette par les jeunes. Il a également mis en garde contre les risques pour la santé associés à la dépendance à la nicotine. Une revue systémique publiée l’an dernier dansThe Medical Journal of Australia a souligné que les jeunes non-fumeurs qui utilisent des cigarettes électroniques sont environ trois fois plus susceptibles que les non-utilisateurs de commencer à fumer et de devenir des fumeurs réguliers.
Dans toutes les régions de l’OMS, les enfants de 13 à 15 ans sont aujourd’hui plus nombreux que les adultes à vapoter très fréquemment. « Une action urgente est nécessaire pour encadrer les cigarettes électroniques afin de protéger les enfants et les non-fumeurs », avertit un communiqué de l’OMS publié en décembre 2023.