Sommet sur l’IA à Paris… fonctionnement de l’intelligence artificielle et les multiples enjeux qui l’entourent

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La-Femme (Sommet sur l’IA à Paris) – Comment fonctionne l’IA ? Quel impact a-t-elle sur le monde du travail ou l’environnement ? Quels risques présente-t-elle pour l’humanité ? On vous résume tout ce qu’il faut savoir sur cette technologie, avant le rendez-vous qui se déroule lundi et mardi au Grand Palais.

L’intelligence artificielle (IA) s’invite à Paris. La France accueille, lundi 10 et mardi 11 février au Grand Palais, le Sommet mondial pour l’action sur l’IA, où des chefs de gouvernement et des patrons des géants de la tech sont attendus. L’occasion d’analyser l’impact de ces technologies, accessibles au grand public sur les plateformes ChatGPT, DeepSeek, Grok ou Midjourney.

Ces IA promettent, selon leurs créateurs, de révolutionner notre société, le monde du travail ou de l’éducation. D’autres y voient plutôt une menace synonyme d’augmentation du taux de chômage, voire, dans le pire des cas, d’apocalypse… Vous n’êtes pas familier de l’IA ? Franceinfo revient en détail sur ce concept et ses enjeux. Un article garanti 100% humain (ou presque).

1 Concrètement, qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

L’intelligence artificielle ne désigne pas vraiment une technologie, mais un objectif. En l’occurrence, réussir à recréer, avec des machines et des logiciels, des fonctionnements qui imitent ceux du cerveau humain. Il s’agit de reconnaître des motifs ou des corrélations, créer des phrases ou des images, déterminer le meilleur comportement à adopter en fonction d’un environnement.

Selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil)(Nouvelle fenêtre), l’IA désigne « tout système mettant en œuvre des mécanismes proches de celui d’un raisonnement humain ». Le plus souvent avec des systèmes qui imitent le fonctionnement du cerveau, appelés « réseaux de neurones ». La première machine à utiliser ces réseaux de neurones remonte à 1951, avec le Snarc(Nouvelle fenêtre). Le terme « intelligence artificielle » est lui né aux Etats-Unis en 1956 lors du Dartmouth Summer Research Project on Artificial Intelligence, un colloque scientifique.

2 Pourquoi en parle-t-on autant ces derniers temps ?

La raison tient en sept lettres : ChatGPT. L’IA a connu un retour en force avec la sortie en novembre 2022 de ce chatbot (un agent conversationnel) à destination du grand public, créé par la start-up américaine à but non lucratif OpenAI, capable d’écrire des phrases crédibles sur tout et n’importe quoi – tant qu’on n’y regarde pas de trop près.

Le logiciel d’OpenAI a lancé la popularité des IA dites « génératives », c’est-à-dire capables de créer des textes (comme le chinois DeepSeek ou le français « Le Chat »), des images (Midjourney, Grok), des sons (Eleven Labs) ou des vidéos (Sora, Veo, Runway). Le plus souvent à partir d’une consigne écrite, appelée « prompt ».

3 Les IA sont-elles vraiment « intelligentes » ?

Tout dépend de la manière dont on définit l’intelligence. « Ça fait très longtemps que les machines nous dépassent sur certaines tâches comme le calcul », rappelait en 2023 Jean-Gabriel Ganascia, chercheur au Laboratoire d’informatique de Paris 6 (LIP6) et spécialiste en intelligence artificielle, auprès de BFMTV(Nouvelle fenêtre).

Est-ce suffisant pour dire que ces programmes sont « intelligents » ? Pas vraiment, selon de nombreux chercheurs, notamment parce que ces logiciels sont souvent bons pour un nombre de tâches restreint. De plus, « les IA actuelles sont des programmes statiques. Ce sont les humains qui décident quand et comment elles sont entraînées ou mises à jour », rappelle à BFMTV Thomas Wolf, cofondateur de la plateforme d’IA Hugging Face. Une IA peut tenter de reconnaître ou imiter une émotion dans un texte, mais elle ne la « ressent » pas. Elle n’a pas non plus conscience d’elle-même ou de son existence, même si ChatGPT ou d’autres IA génératives de texte peuvent écrire le contraire.

4 Pourquoi entend-on souvent parler d’une « révolution » ?

Pour Bill Gates(Nouvelle fenêtre), le fondateur de Microsoft, le changement majeur apporté par cette innovation sera plus profond que la révolution provoquée par la création de l’ordinateur. Le patron de Google, Sundar Pichai(Nouvelle fenêtre), évoque, lui, rien de moins qu’une technologie « plus marquante que [la découverte du] feu ou de l’électricité ».

Sans forcément aller jusque-là, de nombreux spécialistes pointent l’intérêt de ces programmes pour effectuer plus rapidement des tâches potentiellement fastidieuses, comme écrire des mails ou rédiger des notes de synthèse. Et ainsi laisser plus de temps pour la réflexion et les tâches créatives.

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Les IA transforment également certains domaines comme la médecine. Un logiciel peut, avec suffisamment de puissance de calcul et de données, être entraîné à réaliser des tâches avec une précision chirurgicale : en radiothérapie, la localisation de la tumeur pour que le traitement frappe au bon endroit « pouvait prendre deux à trois heures, voire une demi-journée dans les cas complexes. Désormais, nous disposons de logiciels qui reposent sur du deep learning (…) qui sont capables de le faire en deux ou trois minutes », applaudissait le professeur Jean-Emmanuel Bibault auprès de franceinfo en juillet 2023. Et « nous ne connaissons pas encore le dixième des possibilités qu’offre l’IA dans le secteur de la santé ».

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Avec suffisamment d’exemples, un programme peut notamment créer des molécules prometteuses ou aider à comprendre leur structure. C’est le cas du logiciel AlphaFold, du laboratoire Google DeepMind, dont les dirigeants ont été récompensés du prix Nobel de chimie 2024. En analysant des cellules, il peut aussi identifier l’origine d’un cancer retors, permettant d’apporter un diagnostic plus rapide.

5 On m’a dit que ça allait me remplacer dans mon travail, c’est vrai ?

Près de 40% des emplois dans le monde sont exposés à des transformations à cause des progrès des IA, selon une étude publiée en janvier 2024 par des chercheurs du Fonds monétaire international (FMI)(Nouvelle fenêtre). Mais il est difficile d’attribuer des variations sur le marché de l’emploi à un changement ou une innovation en particulier, surtout aussi récente que l’IA générative

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Certaines professions seront plus durement affectées que d’autres. Des spécialistes comme le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz(Nouvelle fenêtre) avertissent que les emplois moins qualifiés pourraient être concurrencés par le développement de l’IA, augmentant ainsi les inégalités entre les pays disposant d’une main d’œuvre qualifiée et les autres.

Les métiers créatifs sont par exemple déjà concernés par les conséquences de ces innovations : le coût de création d’une image ou d’un texte ayant été réduit à néant ou presque, de nombreux illustrateurs, photographes, auteurs ou traducteurs disent déjà avoir perdu des contrats. Une situation qui les indigne d’autant plus que l’écrasante majorité des IA sont entraînées à partir de médias créés par des humains, dont la liste est le plus souvent secrète et pour lesquels aucune autorisation n’a été demandée ni aucun paiement ou droits d’auteur versé.

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Certaines entreprises d’IA développent même des programmes appelés « agents », qui sont censés choisir eux-mêmes le chemin à prendre pour réaliser une tâche donnée (commander une pizza, rédiger un rapport de recherche…), et la faire à la place d’un travailleur. C’est par exemple le cas du logiciel Operator chez OpenAI(Nouvelle fenêtre). Pour le moment, ces agents sont loin d’être parfaits, et génèrent encore des « hallucinations », c’est-à-dire des phrases écrites sur un ton affirmatif alors qu’elles sont totalement fausses. Mais ils progressent à vitesse grand V.

6 Quel est l’impact environnemental de l’IA ?

Les émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’IA sont encore limitées par rapport à d’autres comme l’industrie ou le bâtiment, qui représentent respectivement 23% et 10% des émissions de CO2 mondiales, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE)(Nouvelle fenêtre). Mais elles progressent très vite, au rythme de leur utilisation par le grand public, selon un rapport de l’ONU sur l’économie numérique publié en juillet 2024.

Les phases d’entraînement et d’utilisation des IA consomment de nombreuses ressources naturelles. De l’électricité pour faire fonctionner les centres de données (ou data centers), ces hangars remplis de serveurs informatiques qui stockent des données ou font transiter des informations. De l’eau pour les refroidir. Des minerais rares pour fabriquer les composants informatiques, notamment les cartes graphiques, qui leur permettent d’effectuer leurs calculs.

Mais la quantité de ressources consommées dépend du modèle d’IA, et les entreprises du secteur sont rarement transparentes sur ces sujets. Il existe des estimations, mais la plupart étudient des modèles sortis avant ou à la même période que ChatGPT. Donc préhistoriques par rapport aux IA actuelles et à leur utilisation massive.

L’AIE estimait par exemple en 2024(Nouvelle fenêtre) que les data centers consacrés à l’IA et aux cryptomonnaies représentaient en 2022 un peu moins de 2% de la consommation mondiale d’électricité. Une autre étude(Nouvelle fenêtre) estimait que l’entraînement de GPT-3 (le prédécesseur de ChatGPT) avait consommé près de 1 300 MWh, soit l’électricité consommée par près de 320 foyers français en une année, mais ce programme n’était pas ouvert au grand public.

Enfin, des entreprises tentent de limiter leur impact en créant des IA plus « frugales », c’est-à-dire qui réclament moins de ressources. Les géants de la tech mettent aussi en avant des IA pensées pour prendre soin de l’environnement, par exemple pour détecter des fuites de méthane dans l’atmosphère, ou concevoir de nouveaux matériaux plus économes.

7 Comment peut-on reconnaître les créations d’IA génératives ?

Il existe bien des techniques pour reconnaître les textes ou les images générées par IA, mais elles sont vite obsolètes du fait des progrès techniques. Vérifier le nombre de doigts des humains sur les images n’est par exemple plus un critère pertinent et fiable, car les dernières IA génératives n’ont plus tendance à en ajouter.

Mais il reste tout de même des astuces : dans les images, chercher des formes étranges, des objets « fondus », des traits qui se terminent sans raison, des mouvements illogiques ou physiquement impossibles dans les vidéos. Et de manière générale, les images dites « réalistes » les moins complexes ont un style très lisse, entre la photo professionnelle et le film d’animation 3D. Les comptes comme Insane Facebook AI Slop(Nouvelle fenêtre) regroupent de nombreux exemples.

Les entreprises qui développent des programmes d’intelligence artificielle pourraient intégrer dans leurs IA génératives des watermarks, ces signatures visibles (par un symbole superposé à l’image) ou invisibles (des motifs intégrés directement dans certains pixels de l’image, ou dans certains mots qui se répètent) qui peuvent ensuite être détectées. Mais l’application n’est pas toujours facile, et les entreprises y ont peu d’intérêt. D’après le Wall Street Journal(Nouvelle fenêtre), OpenAI a créé par exemple un détecteur de texte généré par ChatGPT efficace à 99,9%, mais refuse de l’ouvrir au grand public.

8 Et est-ce que les IA risquent de se rebeller, comme dans « Terminator » ?

Le sujet fait débat. Certains chercheurs considèrent que les progrès de l’IA peuvent poser un « risque existentiel » pour l’humanité. Parmi eux, des « pères fondateurs » de l’IA actuelle comme Yoshua Bengio(Nouvelle fenêtre), ou Geoffrey Hinton. Ce dernier estime qu’il y a 10 à 20% de chances que l’IA conduise à l’extinction de l’humanité dans les trente prochaines années(Nouvelle fenêtre). Selon eux, même si la probabilité de ce scénario catastrophe demeure faible, il faut s’y préparer, en travaillant sur l’alignement, c’est-à-dire la recherche pour que les valeurs et les objectifs des IA soient les mêmes que ceux des humains.

Un exemple classique de mauvais alignement : si on crée une IA chargée de gérer une usine de trombones, dont le seul objectif est de créer le plus de trombones possibles, elle pourrait déterminer que le principal obstacle à l’utilisation maximale des ressources est… la vie sur Terre. Elle pourrait alors tenter d’éradiquer toute vie afin d’exploiter le maximum de ressources sans risquer d’être débranchée, selon une expérience de pensée(Nouvelle fenêtre) du philosophe Nick Bostrom, un des penseurs des « risques existentiels » liés à l’IA.

Pour beaucoup d’autres experts, dont le Français Yann Le Cun, l’un des pionniers de l’IA moderne, ce scénario n’est que fiction. Les IA n’ont que les capacités qu’on leur attribue. Une IA chargée de gérer une usine de trombones ne pourra donc pas développer les connaissances d’un expert en armes chimiques ou convaincre d’autres IA de le faire à sa place. Ils ajoutent que les IA ne s’activent que si on le leur demande, et qu’on peut en principe les débrancher.

Enfin, avec les développement des IA dites « open source », modifiables par tous, les créateurs du monde entier pourront coopérer pour créer des « bonnes IA » plus nombreuses et plus puissantes que les « mauvaises IA », comme l’explique par exemple Yann Le Cun auprès du magazine Time(Nouvelle fenêtre). Mais le développement des IA « agents », dont les actions peuvent avoir des conséquences concrètes sur le monde, pourrait changer la donne.

9 J’ai eu la flemme de tout lire, pouvez-vous me faire un résumé ?

On a demandé à ChatGPT de répondre à cette ultime question, avec le prompt suivant : « Résume cet article en 1 000 caractères maximum pour expliquer aux lecteurs comment fonctionnent les IA génératives et quelles sont leurs conséquences sociétales. Sois concis, avec une pointe d’humour si possible. »

Voici le résultat, à prendre avec des pincettes, donc : « L’IA, c’est comme un super assistant qui apprend en ingérant des montagnes de données. Grâce à elle, on génère textes, images et même diagnostics médicaux en un éclair ! Mais attention, elle n’est pas « intelligente » au sens humain : pas d’émotions ni de conscience, juste des algos bien rodés. Son impact ? Une révolution au travail (bonjour, automatisation !), des gains de productivité, mais aussi des emplois menacés, surtout dans la création. Niveau environnement, elle pompe de l’énergie et de l’eau, mais pourrait aussi aider à sauver la planète. Et Terminator dans tout ça ? Certains experts s’inquiètent, d’autres rigolent. Ce qui est sûr, c’est qu’un bon encadrement est crucial pour éviter les dérapages. Bref, l’IA, c’est une boîte de Pandore moderne : fascinante, utile… et à manier avec précaution. »