La Femme (Femme enceinte) – Pas facile de se repérer dans le large éventail des cosmétiques, surtout quand on veut éviter de prendre le moindre risque pour son futur bébé. On fait le point avec la sage-femme Anna Roy et la toxicologue Clarisse Bavoux.
Le test de grossesse positif, on pense surtout aux contraintes alimentaires liées aux différentes maladies qui peuvent davantage impacter les femmes enceintes (toxoplasmose, listériose, salmonellose…). Tout comme à l’arrêt de l’alcool pour éviter tout risque de problème dans la bonne évolution du fœtus. Mais la routine beauté se révèle aussi souvent source de réflexion et d’ajustements. On fait le point avec Clarisse Bavoux, toxicologue, et la sage-femme Anna Roy. Toutes les deux étaient sollicitées par la marque Blissim pour établir une charte pour leur nouvelle catégorie de produits dédiés à la femme enceinte.
Viser les produits dédiés
«L’erreur la plus fréquente que peuvent faire les consommatrices, c’est de se tourner vers des produits qui ne leur sont pas spécifiquement destinés mais pas non plus interdits. On peut logiquement supposer qu’ils sont adaptés, sauf qu’il y a un flou. Cela veut potentiellement dire que le produit n’a juste pas été testé ou évalué sur un public de femmes enceintes. Et ces dernières ne le savent pas forcément», explique la toxicologue. La sage-femme Anna Roy préfère parler de «défaut d’informations» plutôt que d’erreur. «Car lorsque l’on fait de la pub pour les teintures pour cheveux, il n’y a pas écrit en bas : ne convient pas pour les femmes enceintes.»
Pour elle comme pour Clarisse Bavoux, le principe de précaution s’applique là-aussi. «Dans le doute, mieux vaut se tourner vers des produits qui sont clairement étiquetés comme adaptés. Ou au moins demander le conseil de son pharmacien qui saura les guider», conseille cette dernière. Les professionnels qui accompagnent tout au long de la grossesse (gynécologue, sage-femme) ou encore un dermatologue pourront être aussi de bon conseil.
D’autant que de nombreuses marques commencent à émerger ou à imaginer une ligne de produits dédiés (lire notre encadré). Quid de celles qui, dans le doute, se tournent vers les produits bébé ? «Cela peut-être une bonne démarche car s’ils sont validés pour la peau des nouveau-nés, ils ne représentent pas de risque pour les femmes enceintes», précise la toxicologue. Attention cependant : si cela ne pose pas de problème de voler le gel douche de son aîné, les shampoings pour bébé n’est pas efficace pour les adultes : en effet, ils ne sont pas prévus pour éliminer le sébum, les cheveux des tout-petits n’ayant pas tendance à graisser. «Dans tous les cas, comme pour les nouveau-nés , on conseille d’utiliser le moins de produits possible.»
Bannir les huiles essentielles
C’est souvent la première chose que les femmes enceintes chassent de leur salle de bains : les huiles essentielles. En effet, on craint notamment les molécules aromatiques dites « abortives » et pouvant entraîner un risque de fausse couche. Si toutes les huiles essentielles ne sont pas dangereuses, mieux vaut appliquer le principe de précaution pour les deux expertes.
Prévenir l’apparition des vergetures
Le réflexe adopté en priorité est celui d’hydrater son corps et plus particulièrement son ventre pour éviter l’effet vergetures sur la peau mise à rude épreuve au fur et à mesure que le bébé grandit. S’enduire d’huile, celle de la marque Weleda pouvant se vanter d’être l’une des préférées à ce moment si particulier de la vie, devient alors un geste quotidien. Certaines marques ont également développé des crèmes. Alors huile ou crème, les deux sont-elles aussi efficaces ? «Pour les vergetures, malheureusement il n’y a rien d’efficace – parce qu’elles sont sur le derme qui n’est donc pas accessible… De manière générale, les femmes s’hydratent le matin et mettent de l’huile le soir, avec bien sûr des produits rigoureusement contrôlés. L’idée est d’hydrater sa peau et d’en prendre soin. En revanche pour les vergetures, il n’y a pas de remède miracle. Et s’il y avait une formule qui marchait, elle serait connue de tous», ironise Anna Roy. Si la génétique peut également jouer un rôle certain dans leur apparition, on essaie de prévenir et de limiter les risques avec ce rituel de massage quotidien qui peut aussi rimer avec vrai moment de relaxation.
Faire la chasse aux perturbateurs endocriniens et aux sels d’aluminium
Le déodorant s’impose comme un produit dont il est difficile de se passer enceinte. Loin de se l’interdire, il s’agit d’être vigilante dans son choix. On s’aide des différentes applications qui analyseront l’étiquette pour faire la chasse aux perturbateurs endocriniens. A bannir : les sels d’aluminium qui sont dangereux pour le fœtus. Pas de raison en revanche de privilégier un format stick plutôt qu’un aérosol. «La quantité de gaz propulseur inhalée est sans danger», rassure Clarisse Bavoux.
Tempérance vis-à-vis des produits labellisés bio
Réflexe logique comme pour l’alimentaire : pour des produits plus sains on se tourne vers ceux qui sont labellisés bio. «Le regard d’un professionnel de la santé m’oriente vers ce type de produit, même si finalement les bénéfices attendus ne sont pas toujours ceux qu’on aimerait avoir. Je pense qu’il faut privilégier des marques qui s’engagent dans ce type de « process ». Donc je dis oui, il vaut mieux du bio ! Comme pour l’alimentation, je fais partie de ces sages-femmes qui assument totalement le fait de dire qu’on mange mieux quand on est enceinte», analyse Anna Roy. Mais si on privilégie le bio, on ne le fait pas les yeux fermés non plus. «L’intérêt du bio, c’est qu’on sait qu’il est dépourvu de pesticides. Mais ça ne préjuge pas des autres toxicités. Une plante peut être allergisante, toxique…», alerte Clarisse Bavoux.
Privilégier les filtres minéraux pour les produits solaires
Les produits solaires ne sont pas en option pour les femmes enceintes. Notamment en raison du masque de grossesse (un problème de pigmentation qui touche tout particulièrement le visage et se manifeste sous la forme de taches sur le front, les pommettes, ou encore les maxillaires inférieures). «Evidemment, on recommande de s’exposer le moins possible. Mais dès qu’on le fait (même pour un déjeuner en terrasse d’une heure), il faut se protéger», alerte la sage-femme. Dès lors, deux choix s’offrent aux futures mères : les filtres chimiques et les minéraux. Ce sont ces derniers qui remportent les faveurs des deux expertes. «En l’état actuel de nos connaissances scientifiques, c’est vraiment ce que l’on conseille même si dans deux ans, on nous dira peut-être qu’ils sont dangereux. À partir du moment où ils ne sont pas en spray, il n’y a pas de risques d’inhalation des produits», analyse Anna Roy. «Le problème des filtres UV chimiques est qu’ils peuvent contenir des perturbateurs endocriniens contrairement aux filtres minéraux. On peut nuancer en disant qu’il faudrait, dans certains cas, appliquer 5000 fois la dose pour qu’ils s’avèrent toxiques. Et parmi la bonne trentaine de filtres UV utilisés en Europe, plusieurs sont sans risque», détaille la toxicologue. Là aussi, privilégier les produits dédiés aux enfants peut être une bonne stratégie. Ces derniers étant «particulièrement étudiés à la fois sur la partie tolérance locale mais aussi sur leur non-toxicité pour l’organisme».
Se maquiller… raisonnablement
Le maquillage peut aussi interroger. Peut-on garder les mêmes habitudes ? Pour Clarisse Bavoux, «il n’y a pas de raison de ne pas se maquiller quand on est enceinte mais avec modération. Je pense qu’il faut réduire globalement la quantité de produits et réserver le maquillage à des moments bien précis». Un avis partagé par la sage-femme : «Je vois certaines femmes qui mettent beaucoup de fond de teint, de poudres… Se maquiller une fois de temps en temps, pourquoi pas, avec des produits certifiés, mais quotidiennement, en ayant la main lourde, ce n’est pas possible. C’est peut-être le moment de changer ses habitudes. Vous savez les toxicologues disent : « plus on en met tous les jours, plus c’est toxique ! » C’est-à-dire qu’il y a un effet dose, un effet seuil.»
En parallèle, la toxicologue rassure sur les colorants contenus dans les fonds de teint qui ne sont pas toxiques pour les femmes enceintes. «L’important étant de se tourner vers des marques en qui on a confiance. On peut poser des questions dans les points de vente mais également interroger la marque en direct. Derrière, il peut y avoir d’excellents choix de formulation.»
Quant aux vernis, souvent pointés du doigt pour leur toxicité, ils sont à éviter, du moins sur la durée. Et si on a envie de se faire une jolie manucure, on privilégie les vernis dit green aux formulations moins allergisantes (Manucurist, Kure Bazaar, Même…). Anna Roy conseille pour sa part des formules à l’eau (Nailmatic, Petite Manucurist…).
Proscrire les colorations pour cheveux classiques
Comme le disait Anna Roy un peu plus haut, les colorations chimiques pour cheveux ne font pas bon ménage avec les femmes enceintes. Elles sont particulièrement contre-indiquées pendant le premier trimestre de grossesse en raison de substances dangereuses qui peuvent entraîner des malformations pour le fœtus. Pour celles qui auraient du mal à y renoncer, les colorations végétales peuvent être une bonne alternative. Ainsi la marque René Furterer a lancé cette année Invive* avec des formules végétales clean qui conviennent aux femmes enceintes, allaitantes ou en post-traitements. «La seule précaution à prendre est de faire un test d’allergie en amont car on peut être sensible», avertit le coiffeur Romain Colors qui a travaillé avec la marque sur cette nouvelle gamme. «La coloration végétale n’ouvre pas la fibre capillaire et ne pénètre pas en son cœur : elle se fixe en surface et gaine le cheveu sans modifier son pH : il n’y a pas de connexion avec l’intérieur de la fibre, et pas de perturbation endocrinienne.»
Oublier le parfum
Enfin, pendant la grossesse, mieux vaut remiser son parfum au placard. «C’est un produit très riche qui allie souvent des ingrédients synthétiques et naturels, parfois des centaines dans un même jus. Or, parfois, tous ne sont pas étiquetés. Par précaution, mieux ne vaut pas se parfumer ou, si on n’y tient, le faire sur ses vêtements plutôt que sur la peau», suggère Clarisse Bavoux. D’autant que certaines femmes voient leur sensibilité augmenter et ne supporte plus l’odeur de leur jus habituel. Sans oublier que l’alcool contenu dans ces fragrances peut créer des taches comme pour le masque de grossesse, notamment lors d’une exposition au soleil.
(madameFIGARO)